Frédéric Chopin disait à propos de la simplicité qu’il s’agit de la réussite absolue, précisant “qu’après avoir joué une grande quantité de notes, toujours plus de notes, c'est la simplicité qui émerge comme une récompense venant couronner l'art”.
Sans avoir la prétention de partager le sens artistique du compositeur de la Marche Funèbre, il est amusant de noter que ce constat peut aisément se transposer à l’art de bien s’habiller. Nous cherchons souvent à réaliser dans nos tenues des compositions très travaillées en nous appuyant sur des jeux de motifs, de couleurs et de textures. Si cette construction méthodique inspirée du fameux layering des anglo-saxons est une évidence pour les saisons froides, propices à la superposition des couches et des pièces, elle l’est moins s’agissant des beaux jours. Les manteaux, et parfois les vestes, tombent et le nombre d’éléments qui composent une tenue se réduit pour ne tendre que vers ce qui est essentiel. Dans ce contexte, et après avoir passé des mois à jouer avec des grandes quantités de pièces, il faut réapprendre à faire simple. A l’instar du virtuose, il me semble que le potentiel unique et providentiel de la simplicité ne s’offre qu’à celui qui a su jouer de nombreuses et complexes partitions auparavant. Aussi oxymorique que cela puisse paraître, c’est au prix de beaucoup de complexité qu’elle se révèle et se magnifie.
Je vous entends déjà. C’était bien sympathique cette logorrhée sur la simplicité mais quel est le rapport avec le polo ?
Tout naturellement de répondre que s' il ne fallait garder qu’une seule pièce du vestiaire (classique) masculin pour illustrer la simplicité glorieuse, il s’agirait de celle-là.

Symbole de l’élégance décontractée depuis près d’un siècle, le polo a séduit des générations d’hommes par son style épuré et sa capacité à traduire une certaine idée du chic, du court Suzanne-Lenglen aux promenades de la Riviera.
Né d’un besoin pratique, le polo est par essence simple. Comme son nom ne l’indique pas, c’est au tennis que nous devons cet habit. En effet, lorsque inspirés par l’Inde, les Britanniques se mettent à jouer au polo au XIXème siècle, ils cherchent à trouver une alternative à la chemise formelle peu adaptée du fait de la mauvaise prise au vent de son col. C’est ainsi que le polo, en tant que sport, est à l’origine de la chemise boutonnée jusqu’au col dite “oxford button-down”.
L’objet de cet article est lui aussi né d’une volonté de praticité sportive puisque son père, un certain René Lacoste, l’invente en 1926 dans un contexte où les joueurs de tennis se doivent de porter une tenue formelle composée d’un pantalon en flanelle et d’une chemise blanche à manches longues. Chic, me diriez-vous ? Très probablement, mais peu orienté vers la performance. Pour preuve, et même si corrélation n’est pas causalité, René Lacoste gagne l’US Open en 1926 et 1927 en arborant fièrement sa nouvelle invention.

Le vêtement créé par le fondateur de la marque au crocodile se construit en opposition à la chemise réglementaire des joueurs de tennis. Les manches sont courtes et il n’y a plus que deux boutons et un généreux col sur le haut de l’habit tandis que la confection est réalisée en jersey petit piqué. Cette petite révolution permet aux joueurs d’obtenir une meilleure liberté de mouvement du fait de sa souplesse et de jouir d’une meilleure aération, propriété particulièrement bienvenue en cas de fortes chaleurs.
En 1933, Lacoste est né et le fameux crocodile est apposé pour la première fois sur la poitrine des créations de la marque en hommage à son créateur, connu pour ne jamais rien lâcher, à l’instar du reptile.

Le port du polo se généralise rapidement dans le monde du tennis, et bientôt, c’est le golf qui s’en empare. Les joueurs affectionnent le polo du fait de sa capacité à incarner une certaine élégance tout en intégrant des contraintes techniques inhérentes à la pratique sportive. Le succès est tel que même le président américain Einsenhower est conquis.

Dès les années 1950, le polo se démocratise et devient l’icône intemporelle du chic sportif et décontracté. Tous les monstres sacrés du style classique masculin comme Gianni Agnelli, Carry Grant et tant d’autres dont les louanges sont aujourd’hui chantées dans tous les magazines et autres blogs dédiés, arborent triomphalement le polo.

Aujourd’hui encore, le polo est une pièce essentielle du vestiaire masculin, notamment pour les saisons chaudes. Plus décontracté qu’une chemise, et ayant plus fière allure qu’un simple tee shirt, le polo constitue un merveilleux compromis entre la décontraction et l’élégance. Pour ces raisons, il est strictement nécessaire d’intégrer ce fidèle compagnon à votre vestiaire.
Deux questions demeurent en suspens à ce stade. La première est de se demander quel type de polo porter. La seconde est de s’interroger sur la manière de l’intégrer à une tenue, ce qui n'est pas, et je vous prie de me pardonner l’expression, la mer à boire.
S’agissant du choix de votre polo, la première recommandation est de choisir une matière naturelle pour des questions de durabilité, de confort et d’aération. La plupart du temps, il s’agira de coton mais d’autres matières comme le lin ou la laine seront tout à fait envisageables et recommandables. La deuxième est d’éviter autant que faire se peut les imposants logos de marques, vous n’êtes pas des panneaux publicitaires. Cela à l’exception du petit crocodile pour des raisons évidentes de clin d'œil historique ou d’hommage, eu égard à nos précédents développements sur l’histoire de l’habit.

Concernant le col, optez pour quelque chose de généreux et fuyez les cols faméliques au rendu trop juvénile et disgracieux. Les polos sans boutons ont un charme tout particulier et je ne saurais que vous recommander d’y jeter un œil. Au sujet de la coupe, pour l’amour du ciel, oubliez les cintrages trop ajustés. Nul doute que vous êtes fiers de toutes ces heures passées sur un banc de musculation, mais gardez cela pour plus tard. Cela étant dit, une coupe trop large sera également inesthétique et ne vous mettra pas en valeur. Pour ce qui est des couleurs, faites-vous plaisir en évitant simplement les tons trop criards.

Peu importe votre budget, le polo à l'avantage de ne pas être une pièce particulièrement discriminante sur le plan pécunier. Ainsi, des marques de prêt-à-porter plutôt bon marché comme Mango, PuroEgo ou encore Gutteridge proposent de beaux polos avec des cols dignes de ce nom et dans des matières naturelles sans casser sa tirelire. La seconde main est également une solution de choix pour jouir d'un rapport qualité/prix imbattable. Si votre bourse vous le permet, jetez un œil du coté des enseignes "phares" du vestiaire classique masculin comme, pour ne citer qu'elles, Pini Parma ou encore Suitsupply. Plus confidentielle, la marque Casatlantic affiche généralement de jolis polos dans son catalogue.
Concernant la manière d’intégrer votre polo dans votre tenue, c’est une chose relativement aisée du fait de la versatilité de ce dernier. En effet, vous pouvez tout à la fois envisager le port d’un polo avec un short de sport pour une intense partie sur terre battue tout comme il vous sera possible d’arborer ce dernier avec un costume en lin sur la terrasse d’un restaurant ou d’un café d’exception.

Plus généralement, vous pourrez l’associer à un pantalon d’inspiration tailleur en laine, en coton ou en lin, mais également avec un jean. L’intégrer sur un costume est une riche idée, parfaitement admise, si tant est que votre costume ne soit pas formel. Cela ajoutera une touche de décontraction supplémentaire, bienvenue selon les occasions. Concernant les shorts, cela peut fonctionner aussi, si vous en êtes un adepte. Pour les activités physiques, cela va de soi, vous pouvez y aller les yeux fermés en choisissant un polo à l’allure plutôt sportive. Si vous n’êtes pas le plus talentueux dans la discipline en question, la vie vous offre une seconde chance et vous pouvez toujours envisager de briller par votre élégance.

A l’exception du sport, il semble plus prudent d’associer votre polo avec une paire de chaussure en cuir, comme des mocassins par exemple, ou des espadrilles selon le contexte. Le port de la basket risque de donner un rendu résolument trop “sport” à votre tenue et lorsque l’on parle de style classique masculin, ce n’est vraisemblablement pas l’effet recherché.

Vous êtes pleinement encouragés à associer votre polo à de jolis accessoires comme un foulard par exemple. En effet, souvenez-vous que c’est un habit qui brille par sa simplicité et c’est là son principal atout. Personne n’a dit, cependant, que simplicité devait rimer avec banalité.

C’est le temps des fleurs, à vos polos !