Si, comme l’affirme Henri Michaux, « l’habillement est une conception de soi que l’on porte sur soi », alors votre pochette de costume sera votre meilleure alliée dans l’affirmation de votre être, de vos désirs profonds ainsi que de vos plus brulantes révoltes.
Elle n’est pas un détail, elle est LE détail.
Celui qui change tout, celui qui fait la différence entre le bien et le mal, la passion et l’ennui, vivre et mourir.
C’est trop ? Non ce n’est jamais trop : la pochette fait l’homme.

Ce petit morceau de tissu caractéristique était déjà arboré il y a six millénaires, dans l’Egypte antique. On le retrouvera ensuite au fil des époques, en Grèce puis à Rome sous des formes diverses.

Bien plus tard, c’est la noblesse française qui s’équipe de mouchoirs parfumés pour se prémunir contre les mauvaises odeurs du quotidien tandis que Richard II d’Angleterre répand plus largement l’usage du mouchoir de poche. Dès le XVII ème siècle, le peuple s’en empare et le mouchoir de poche se démocratise dans toute l’Europe de l’Ouest.

La véritable révolution intervient deux siècles plus tard avec la généralisation du port du costume deux et trois pièces, le mouchoir sort du pantalon pour venir se loger dans la poche de la veste et ainsi occuper la place qu’il ne quittera plus, jusqu’à nos jours.

Surtout, et c’est là la transformation la plus cruciale, c’est l’usage qui en est profondément modifié. Si jusqu’ici, la fonction du mouchoir de poche était avant tout utilitaire, sa raison d’être est désormais esthétique : c’est l’avènement de la pochette de costume.

Si les hommes conservent pour des raisons pratiques un mouchoir en tissu dans la poche de leur pantalon, la pochette qui décore leur poitrine n’est là que par coquetterie. L’essentiel est là, la pochette ne se justifie désormais plus que par elle-même, au profit du beau et plus de l’utile.

Jusque dans les années 1960, elle est alors le nec plus ultra de l’élégance masculine trônant triomphalement sur la poitrine des plus grands gentlemen de ce monde :  de Winston Churchill à Carry Grant en passant par Jacques Brel ou encore Louis Armstrong.

Depuis cet âge d’or, l’objet de notre attention n’a fait que subir un long et tragique déclin. Dès lors, voilà notre chère pochette rangée au placard, délaissée, souvent considérée (à tort) comme désuète.

Si certains l’arborent encore fièrement, ils se font de plus en plus rares et il suffit d’observer la foule qui se presse chaque jour sur le parvis de La Défense pour se rendre compte que la pochette est un ornement en voie d’extinction, qu’il nous faut à tout prix protéger et réintroduire.

D’abord, elle est un accessoire de style d’une rare polyvalence qui s’adapte à toutes les tenues intégrant une veste. Elle sait se faire discrète et charmer par la sobriété et l’élégance d’une couleur unie, sobre, bien souvent sombre.

Lorsque l’occasion l’y invite et que la nuit tombe, elle revêt son habit de lumière et par sa blancheur éclatante, magnifie les tenues du soir rompant gracieusement avec le noir profond des vestes de smoking et rappelant finement le coton égyptien des chemises à plastron.

Loin de la sobriété formelle d’une banque d’affaires londonienne ou de la magnificence des balcons feutrés du Palais Garnier, elle peut aussi se parer de ses plus beaux atours pour attirer tous les regards grâce à des couleurs chaudes et vives ainsi que des motifs forts qui jamais ne laisseront indifférents : peu importe qu’on dise d’elle qu’elle sublime la tenue ou qu’elle n’est qu’outrance et mauvais goût, comme Oscar Wilde le faisait très justement remarquer, « il n’y a qu’une seule chose plus désagréable que de faire parler de soi, c’est de ne pas faire parler de soi ».
La pochette sait être cette impétueuse diva face à laquelle les réactions ne peuvent être autre que passionnées.

S’agissant du motif, il constitue un formidable terrain de jeu tant les possibilités sont nombreuses.

L’objet de notre attention pourra alors se vêtir de fleurs, de pois, de simple rayures, de carreaux et de tout ce qui est graphiquement imaginable. Certaines enseignes proposent aujourd’hui des pochettes reproduisant les plus grandes toiles de maître : quelle heureuse idée ! Votre pochette contribue ainsi à faire vivre le Beau. Repliée, personne ne se rendra compte que c’est un chef-
d’œuvre impressionniste qui est glissé dans votre veste, mais vous le saurez et il n’y a que cela qui compte. Ce tableau qui vous émeut tant, et que vous chérissez, vous le portez désormais sur la gauche de votre poitrine, contre votre cœur.

Si on peut jouer de sa couleur et de son motif, on peut également jongler entre les matières selon le degré de formalité souhaité et pour s’adapter au mieux aux tissus qui composent la tenue qu’elle complète. Elle s’habille alors de soie, de coton ou de lin, et plus rarement de laine.

Enfin, la pochette est fascinante parce qu’elle est une pièce en mouvement et que le même objet est à même d’offrir au monde un nombre incalculable de versions de lui-même selon la manière dont son pliage est réalisé.
Il existe pléthore de méthodes de pliages et vous trouverez certainement celle qui vous convient le plus. Ce choix dira forcément beaucoup de chose de vous, de vos traits psychorigides et de votre goût pour la symétrie parfaite, ou de vos désirs d’affranchissement des règles traduits dans la nonchalance de vos plis.

En définitive, s’il est admis que la pochette ne peut sauver le monde -après tout malgré sa grâce et sa noblesse elle n’est qu’un bout de tissu- elle pourra néanmoins sauver les apparences, et avec elles un peu de nos âmes.